Quinzième Dimanche après la Pentecôte


      Le Christ de l'Apocalypse
      (Fresque de la Crypte de la Cathédrale d'Auxerre)

         
         

        Evangile selon Saint Matthieu (22:35-46)

            Les pharisiens, ayant appris qu'il avait réduit au silence les sadducéens, se rassemblèrent, et l'un d'eux, docteur de la loi, lui fit cette question, pour l'éprouver: Maître, quel est le plus grand commandement de la loi?

            Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes.

            Comme les pharisiens étaient assemblés, Jésus les interrogea, en disant: Que pensez-vous du Christ? De qui est-il fils? Ils lui répondirent: De David. Et Jésus leur dit: Comment donc David, animé par l'Esprit, l'appelle-t-il Seigneur, lorsqu'il dit: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied? Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils? Nul ne put lui répondre un mot. Et, depuis ce jour, personne n'osa plus lui proposer des questions.
         
         

        Deuxième lettre de Saint Paul aux Corinthiens (4:6-14)

            Car Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ. Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que cette grande puissance soit attribuée à Dieu, et non pas à nous. Nous sommes pressés de toute manière, mais non réduits à l'extrémité; dans la détresse, mais non dans le désespoir; persécutés, mais non abandonnés; abattus, mais non perdus; portant toujours avec nous dans notre corps la mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre corps. Car nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus, afin que la vie de Jésus soit aussi manifestée dans notre chair mortelle. Ainsi la mort agit en nous, et la vie agit en vous. Et, comme nous avons le même esprit de foi qui est exprimé dans cette parole de l'Écriture: J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé! nous aussi nous croyons, et c'est pour cela que nous parlons, sachant que celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera aussi avec Jésus, et nous fera paraître avec vous en sa présence.
         
         
         
         
         

      Méditation du Père Lev
         
            L'évangile du 15e dimanche après la Pentecôte comprend deux parties très distinctes.Tout d'abord, un avocat ou scribe s'approche de Jésus et, pour l'éprouver, lui demande quel est le grand commandement de la loi. Jésus répond: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cwur, de toute ton âme et de tout ton esprit . Voilà le plus grand et le premier commandement. Le second lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Jésus ajoute : « De ces deux commandements dépendent toute la loi et les Prophètes » .

            « Tu aimeras... ». Ce précepte découle de la nature même de Dieu. « Dieu est amour » (1 Jean 4 : 8) : c'est pourquoi nous devons aimer. C'est en aimant que nous irons dans le sens même de la vie et que nous imiterons Dieu, selon notre faible mesure. Nous aimerons Dieu, ce qui signifie que nous aimerons l'amour, - «le Seigneur ton Dieu ». Ce Seigneur-amour, ce Dieu-amour, n'est pas un sentiment impersonnel ou une entité métaphysique. C'est une personne vivante qui communique libéralement à toute créature sa vie d'amour. il est une émotion d'amour qui se propage à partir d'un coeur infiniment aimant. Si aimer Dieu signifie aimer l'amour, il semble que rien ne soit aussi simple et aussi facile que le grand commandement. Oui, d'un certain point de vue, aimer Dieu est simple et facile. Mais ce qui est requis de nous, c'est un amour total, c'est aimer Dieu de tout notre coeur, de toute notre âme, de tout notre esprit, et ce mot tout marque la difficulté et en quelque sorte l'héroisme d'un tel amour. Car il s'agit de retrancher tout ce qui est contraire ou même étranger à Dieu, de lui consacrer notre être sans réserve, de n'admettre en nous que ce qui peut être intégré dans son amour et sanctifié par celui-ci. Dieu demande notre coeur : en hébreu comme en grec, le mot « coeur » n'a pas les implications sentimentales qu'il reçoit dans les langues modernes, mais il désigne la partie la plus noble de la personne humaine, le siège de l'intellect et de la volonté. Dieu demande notre âme : le mot hébreu est ici plus profond et plus riche que le terme que nous employons, car il désigne à la fois l'âme, la vie et le sang, de sorte que, pour Jésus et ses auditeurs juifs, aimer Dieu « de toute son âme » suggérait déjà, quoi qu'obscurément, l'immolation et le sacrifice. Dieu demande notre esprit, notre pensée : notre logique humaine, notre science, notre culture doivent être transfigurées en lui. C'est là le premier et le grand commandement : Jésus insiste sur la priorité de l'amour envers Dieu. L'amour de Dieu et l'amour du prochain ne peuvent pas être mis sur pied d'égalité : l'amour du prochain découle de l'amour de Dieu. Cet amour de Dieu est la source ; ainsi se trouve condamné et rejeté tout humanitarisme. Mais Jésus, s'il n'identifie pas les deux amours, proclame que l'amour du prochain est un commandement qui « est semblable » au précepte d'aimer Dieu, et c'est en rapprochant ainsi les deux commandements qu'il se montre, par rapport à la loi juive, innovateur et suprêmement original. Il l'est encore par sa conception nouvelle du mot «prochain». La tradition juive restreignait l'application de ce mot aux Juifs et aux prosélytes, tandis que Jésus, comme le montrera la parabole du bon Samaritain, donne au même mot une extension illimitée. L'amour du prochain, tel que Jésus le commande, n'est pas moins totalitaire que l' amour de Dieu : il s'agit d'aimer le prochain comme soi-même, et ce mot comme nous fait mesurer toute la difficulté du commandement.

            En ajoutant que de ces deux commandement8 dépendent toute la loi et les prophètes, en faisant de l' amour l'essence même de la vie divine et de la vie humaine, Jésus dépasse d'une manière décisive toute la tradition juive. Et il nous donne un critère pour mesurer à chaque instant notre vie spirituelle (nous pourrions dire: pour prendre notre température spirituelle). Il suffit de nous
        demander, en admettant telle pensée, en prononçant telle parole, en faisant tel acte, puis-je sincèrement, humblement dire que j'aime Dieu de tout mon coeur et mon prochain comme moi-même ?

            Dans la seconde partie de l'évangile de ce dimanche, Jésus demande aux Pharisiens ce qu'ils pensent du Christ et de sa filiation. Si le Messie est, comme ils disent, fils de David, comment David peut-il, dans le psaume 110, l'appeler «Seigneur» ? Les docteurs sont réduits au silence et n'osent plus interroger Jésus. Notre Seigneur prend assez souvent la même attitude à notre égard, quand nous nous approchons de lui dans la méditation et la prière intime. Souvent il nous pose des questions ou soulève des difficultés qu'il semble laisser sans solution, parce qu'il attend que nous-mêmes, allant jusqu'à la conclusion logique de notre pensée aidée par la grâce, trouvions la solution qu'il n'a pas exprimée. Dans le cas présent, les Pharisiens n'osent pas tirer la conclusion et dire que le Messie est fils, non seulement de David, mais de Dieu, et ils préfèrent ne plus rien demander à Jésus. Ce ne sera pas notre attitude; même lorsque les questions (généralement d'ordre pratique et impliquant de notre part une décision) posées par Jésus nous gênent, nous ne nous réfugierons pas dans un silence boudeur ou révolté; mais nous essaierons loyalement de répondre, sans soustraire nos plaies secrètes à la pleine lumière du Sauveur.

            L'épître de ce dimanche exprime d'une manière poignante les épreuves souvent si douloureuses que comporte le ministère apostolique, et aussi l'espérance qui n'abandonne jamais l'apôtre : «...ce trésor, nous le portons en des vases d'argile... Nous sommes pressés de toutes parts, mais non pas écrasés; ne sachant qu'espérer, mais non désespérés; persécutés, mais non abandonnés; terrassés mais non annihilés...».

            Certains mots de l'épître conviennent, non seulement à la vie de Paut ou d'un apôtre, mais à toute vie donnée aux hommes pour Jésus-Christ : « ...nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus, afin que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre corps... Nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus... Ainsi la mort fait son oeuvre en nous et la vie en vous». Il ne s'agit pas seulement ici du suprême sacrifice des martyrs, mais aussi de ce sacrifice qui trouve son expression dans les "petites" (mais souvent en même temps si grandes) choses pratiques de la vie et qui peut être renouvelé chaque jour.
         
         
         

      père Lev



       

           
    Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet
    ("Un moine de l'Eglise d'orient") aux éditions du Cerf
     

    Cette page a été préparée en 1999 par la Paroisse
    St-Etienne et St-Germain à Vézelay

           
      Saint Etienne
    Retour Retour à la page précédente.