Trente Deuxième Dimanche après la Pentecôte


Evangile selon Saint Luc (19: 1-10)

    Jésus, étant entré dans Jéricho, traversait la ville.
    Et voici, un homme riche, appelé Zachée, chef des publicains, cherchait à voir qui était Jésus; mais il ne pouvait y parvenir, à cause de la foule, car il était de petite taille.
    Il courut en avant, et monta sur un sycomore pour le voir, parce qu'il devait passer par là.
    Lorsque Jésus fut arrivé à cet endroit, il leva les yeux et lui dit: Zachée, hâte-toi de descendre; car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison.
    Zachée se hâta de descendre, et le reçut avec joie.
    Voyant cela, tous murmuraient, et disaient: Il est allé loger chez un homme pécheur.
    Mais Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit: Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.
    Jésus lui dit: Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison, parce que celui-ci est aussi un fils d'Abraham.
    Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.
 
 

Méditation du Père Lev





    Le trente-deuxième Dimanche après la Pentecôte, nous continuons à lire la première épître à Timothée (4: 9-15). Saint Paul conseille à son disciple, chargé de hautes responsabilités ecclésiastiques malgré sa jeunesse, d'être, par sa foi, sa charité, sa pureté, un exemple à tous les croyants; Paul exhorte spécialement Timothée à lire d'une manière assidue et à approfondir la doctrine. Il conclut: «Prends cela à coeur. Sois-y tout entier...». Cet appel à la méditation, à la contemplation, garde toute son importance, même pour ceux - surtout pour ceux - qui, comme Timothée, sont absorbés par les devoirs de la vie active ou « apostolique ». Paul demande à Timothée de se donner «tout entier» à la pensée des choses divines. Quelle différence entre cette «oraison totalitaire» et nos propres méditations peut-être si rares, souvent si brèves, presque toujours si loin d'orienter et d'étreindre notre vie quotidienne : «Prends cela à coeur. Sois-y tout entier...». Ecoutons ces paroles de l' apôtre comme une exhortation qu'il nous adresse, à chacun de nous personnellement. Recherchons comment, en pratique, dans les circonstances particulières de notre vie, nous pourrions réserver à la méditation cette place dominante.

    L'évangile de ce Dimanche nous raconte la conversion du publicain Zachée. Comme Jésus passait par Jéricho, ce riche publicain monta sur un arbre, pour mieux voir Jésus. Notre Seigneur, ayant vu Zachée, lui dit : « Descends vite, il faut que je vienne aujourd'hui dans ta maison ». La parole de Jésus à Zachée
nous rappelle la phrase si émouvante de l'Apocalypse:«Voici que je me tiens à la porte et je frappe; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi».
    Jésus nous dit ce qu'il avait dit à Zachée. Il veut loger chez nous, dans notre âme. Ce n'est pas dans quelques jours, ce n'est pas demain qu'il veut venir chez nous. C'est à l'instant même : « que je vienne aujourd'hui dans ta maison...». Pour quoi ajourner le changement intérieur qui ferait de Jésus notre hôte ? Je puis, dès cette minute, par un acte intérieur de repentance et de consécration, ouvrir la porte au Seigneur. Je ne dois pas perdre de temps, je ne dois pas laisser s' éloigner une occasion peut-être exceptionnellement favorable et qui ne reviendra plus. «Descends vite», dit Jésus. Je me hâterai donc, - et je descendrai.
    Descendre :ce mot, pour Zachée, signifiait qu'il eût à quitter son poste d'observation sur le sycomore et à revenir à terre;
pour nous, descendre signifie renoncer à tous les pauvres artifices par lesquels nous essayons de nous élever au-dessus des autres hommes.
    « Descends » : quitte donc le sycomore sur lequel tu es monté, abandonne toute forme de vanité et d'orgueil ; c' est seulement sur le sol que tu pourras rencontrer Jésus. Zachée obéit. Il se hâta de descendre.
    Remarquons deux aspects de cet épisode évangélique, Zachée reçut Jésus «avec joie». Jésus n'est pas un hôte que nous devrions recevoir cérémonieusement, d'une manière guindée. Nous ne devons pas le regarder comme un de ces visiteurs qui viennent rarement et que l'on reçoit au salon, dans les pièces de la façade. Il doit être un des visiteurs qu'on accueille «avec joie» et auxquels on dit : «vous êtes ici chez vous. Vous êtes à la maison. Tout est à votre disposition. Allez où vous voulez». Nous ne le confinerons pas au salon, nous l'introduirons partout, et même dans ces chambres secrètes - l' arrière-fond de notre âme - où nous avons laissé s'accumuler tant de poussière et d'ordure et dont nous cachons soigneusement l'existence aux étrangers.
    Remarquons encore ceci. Zachée, qui vient de subir un changement intérieur, annonce au Seigneur qu'il va rendre jusqu'au quadruple les biens qu'il a pu injustement acquérir et qu'il va donner aux pauvres la moitié de sa fortune. «Restitution» et «partage», dans le sens le plus complet de ces mots, sous leur aspect aussi bien spirituel que matériel; réparation du mal commis et mise en commun du bien obtenu : voici les premiers fruits de toute conversion.
    Les témoins de cette scène évangélique murmuraient : « il est allé loger chez un pécheur...» Et Jésus déclara : «Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu». C'est sur cette parole que s'achève l'évangile de ce dimanche. «Ce qui était perdu... chercher... sauver» : alors, pour moi aussi, il y a une espérance? Nous atteignons ici un tournant de l'année liturgique. Car la phrase finale de Jésus, dans l'évangile d'aujourd'hui, annonce un autre climat que celui où la Nativité et le Baptême du Christ nous avaient introduits. Dépassant l'Evangile de l'Incarnation, nous pénétrons dans l'Evangile du pardon et du salut. Avec le trente-deuxième dimanche après la Pentecôte se clôt le temps de Noël et de l'Epiphanie. Voici venir un autre temps liturgique. Voici déjà qu'au loin un cortège s'avance, qui n'est plus celui des bergers, des mages, du Précurseur et de ses disciples, un cortège où, aux louanges, se mêlent les imprécations et les "Vexilla Regis prodeunt, fulget crucis mysterium" : Voici que les étendarts du Roi s'avancent et que déjà resplendit, même encore lointain, le mystère de la croix.
 
 

père Lev

Extraits du livre "L'an de grâce du Seigneur" (éditions du Cerf)
du Père Lev Gillet ("Un moine de l'Eglise d'Orient")

Cette page a été préparée par la Paroisse Saint Etienne Saint Germain de Vézelay.

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