Fête de l'Exaltation
de la Sainte et Vivifiante Croix
de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ
14 septembre
 

L'Exaltation de la Croix, icône de Léonide Ouspensky
 

Tropaire

SEIGNEUR, SAUVE TON PEUPLE
ET BÉNIS TON HÉRITAGE.
ACCORDE LA VICTOIRE À TES FIDÈLES
ET PAR TA CROIX PROTÈGE TA CITÉ
 

Pendant l’adoration de la Croix, le Choeur chante :

DEVANT TA CROIX
NOUS NOUS PROSTERNONS, Ô MAÎTRE
ET TA SAINTE RÉSURRECTION
NOUS LA CHANTONS


Evangile des Matines (Jean 12: 23-36)
    Jésus leur répondit: L'heure est venue où le Fils de l'homme doit être glorifié. En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle. Si quelqu'un me sert, qu'il me suive; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera. Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure?... Mais c'est pour cela que je suis venu jusqu'à cette heure. Père, glorifie ton nom! Et une voix vint du ciel: Je l'ai glorifié, et je le glorifierai encore.
    La foule qui était là, et qui avait entendu, disait que c'était un tonnerre. D'autres disaient: Un ange lui a parlé. Jésus dit: Ce n'est pas à cause de moi que cette voix s'est fait entendre; c'est à cause de vous. Maintenant a lieu le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde sera jeté dehors. Et moi, quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi. En parlant ainsi, il indiquait de quelle mort il devait mourir.
    La foule lui répondit: Nous avons appris par la loi que le Christ demeure éternellement; comment donc dis-tu : Il faut que le Fils de l'homme soit élevé? Qui est ce Fils de l'homme? Jésus leur dit: La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous.
    Marchez, pendant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous surprennent point: celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière.
    Jésus dit ces choses, puis il s'en alla, et se cacha loin d'eux.
 
 

Evangile de la Liturgie (Jean 19: 6-11, 13-20, 25-28, 30-35)

    Lorsque les principaux sacrificateurs et les huissiers le virent, ils s'écrièrent : Crucifie! crucifie ! Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes, et crucifiez-le ; car moi, je ne trouve point de crime en lui. Les Juifs lui répondirent: Nous avons une loi; et, selon notre loi, il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu. Quand Pilate entendit cette parole, sa frayeur augmenta. Il rentra dans le prétoire, et il dit à Jésus : D'où es-tu ? Mais Jésus ne lui donna point de réponse. Pilate lui dit : Est-ce à moi que tu ne parles pas ? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te crucifier, et que j'ai le pouvoir de te relâcher ? Jésus répondit: Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui me livre à toi commet un plus grand péché.

    Pilate, ayant entendu ces paroles, amena Jésus dehors ; et il s'assit sur le tribunal, au lieu appelé le Pavé, et en hébreu Gabbatha. C'était la préparation de la Pâque, et environ la sixième heure. Pilate dit aux Juifs : Voici votre roi. Mais ils s'écrièrent : Ote, ôte, crucifie-le! Pilate leur dit : Crucifierai-je votre roi ? Les principaux sacrificateurs répondirent : Nous n'avons de roi que César. Alors il le leur livra pour être crucifié. Ils prirent donc Jésus, et l'emmenèrent. Jésus, portant sa croix, arriva au lieu du crâne, qui se nomme en hébreu Golgotha. C'est là qu'il fut crucifié, et deux autres avec lui, un de chaque côté, et Jésus au milieu. Pilate fit une inscription, qu'il plaça sur la croix, et qui était ainsi conçue : Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, parce que le lieu où Jésus fut crucifié était près de la ville : elle était en hébreu, en grec et en latin.

    Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la soeur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple : Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui. Après cela, Jésus, qui savait que tout était déjà consommé, dit, afin que l'Ecriture fût accomplie : J'ai soif.

    Quand Jésus eut pris le vinaigre, il dit : Tout est accompli. Et, baissant la tête, il rendit l'esprit. Dans la crainte que les corps ne restassent sur la croix pendant le sabbat, -car c'était la préparation, et ce jour de sabbat était un grand jour, -les Juifs demandèrent à Pilate qu'on rompît les jambes aux crucifiés, et qu'on les enlevât. Les soldats vinrent donc, et ils rompirent les jambes au premier, puis à l'autre qui avait été crucifié avec lui. S'étant approchés de Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes ; mais un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. Celui qui l'a vu en a rendu témoignage, et son témoignage est vrai ; et il sait qu'il dit vrai, afin que vous croyiez aussi.
 

Méditation du Père Lev Gillet
 
 

Textes extraits des Vigiles de la Fête

Lucernaire

    O CROIX VÉNÉRABLE,
TOI QU’ENTOURENT LE CHOEUR DES ANGES DANS LA JOIE,
EXALTÉE EN CE JOUR TU RELÈVES,
TOUS CEUX QUE LE FRUIT DÉFENDU
CHASSA DU PARADIS ET PRÉCIPITA DANS LA MORT.
AUSSI T’EMBRASSANT, NOUS CHANTONS
EXALTONS  LE CHRIST COMPATISSANT
ET PROSTERNONS-NOUS DEVANT L’ESCABEAU DE SES PIEDS

    LA CROIX EXALTÉE INVITE TOUTE LA CRÉATION,
A CHANTER LA PASSION DE CELUI QUI Y FUT ÉLEVÉ,
SUR ELLE LE CHRIST MÎT À MORT NOTRE MEURTRIER,
RESSUSCITA LES MORTS ET LEUR RENDIT
LA BEAUTÉ ORIGINELLE
DANS SON AMOUR ET SA MISÉRICORDE.
AUSSI DANS L’ALLÉGRESSE CHANTONS LE NOM DU SEIGNEUR
ET MAGNIFIONS SA GRANDE MISÉRICORDE

    VENEZ, TOUS LES PEUPLES,
PROSTERNONS-NOUS DEVANT L’ARBRE BÉNI
PAR QUI VIENT LA PAIX ÉTERNELLE.
CAR CELUI QUI SOUS L’ARBRE DÉFENDU
SÉDUISIT AUTREFOIS NOTRE PREMIER PÈRE
S’EST LAISSÉ PRENDRE AU PIÈGE DE LA CROIX
ET EST PRÉCIPITÉ DANS L’ABIME
CELUI QUI IMPOSA SA TYRANNIE AU ROI DE LA CRÉATION.
LE CHRIST EFFACE PAR SON SANG LE VENIN DU SERPENT.
LA MALÉDICTION EST ABOLIE PAR LE JUSTE.
LE MAL CAUSÉ AUTREFOIS PAR UN ARBRE,
TROUVE SA GUÉRISON EN L’ARBRE DE LA CROIX,
ET LA PASSION DU SEIGNEUR DÉLIVRE DES PASSIONS
CELUI QUI FUT RÉPROUVÉ SOUS L’ARBRE DÉFENDU.
GLOIRE À TON OEUVRE DE MISÉRICORDE.
PAR ELLE, CHRIST DIEU, TU AS SAUVÉ L’UNIVERS
DANS TA BONTÉ ET TON AMOUR POUR LES HOMMES

Litie

    L’ARBRE DE VIE PLANTÉ AU CALVAIRE
SUR LEQUEL LE ROI DES SIÈCLES NOUS SAUVA
EST EXALTÉ EN CE JOUR PAR TOUTE LA CRÉATION
LES ANGES SE RÉJOUISSENT DANS LES CIEUX
LES HOMMES LAISSENT ÉCLATER LEUR JOIE.
AVEC DAVID, ILS CHANTENT :
EXALTEZ LE SEIGNEUR, NOTRE DIEU
ET PROSTERNEZ-VOUS DEVANT L’ESCABEAU DE SES PIEDS
LUI QUI DONNE AU MONDE SA GRANDE MISÉRICORDE.

    MOÏSE ANNONÇAIT, SEIGNEUR,
LA PUISSANCE DE LA CROIX
QUAND IL MIT EN DÉROUTE AMALEC
CAR LORSQU’IL ÉTENDAIT LES BRAS EN FORME DE CROIX
LE PEUPLE D’ISRAËL REPRENAIT FORCE.
AUJOURD’HUI  LA CROIX EST EXALTÉE
ET LES DÉMONS SONT EN FUITE,
LA CRÉATION EST DÉLIVRÉE DE LA CORRUPTION
AUSSI, C’EST AVEC JOIE QUE NOUS NOUS PROSTERNONS
DEVANT TA PRÉCIEUSE CROIX EN CLAMANT:
SEIGNEUR, QUE TES OEUVRES SONT GRANDES, GLOIRE À TOI.
 

Apostiches

    SALUT VIVIFIANTE CROIX DU SEIGNEUR,
INVINCIBLE TROPHÉE DE LA FOI,
PORTE DU PARADIS ET RÉCONFORT DES CROYANTS.
PAR TOI LA PUISSANCE DE LA MORT FUT ABOLIE,
PAR TOI DISPARAIT L’ANTIQUE MALÉDICTION,
PAR TOI NOUS SOMMES ÉLEVÉS DE LA TERRE AU CIEL.
ARME INVINCIBLE QUI CHASSE LES DÉMONS,
HAVRE DE SALUT ET GLOIRE DES MARTYRS
PRÉCIEUX ORNEMENT DES JUSTES ET DES SAINTS,
TU DONNES AU MONDE LA GRANDE MISÉRICORDE.

CE QUE MOÏSE PRÉFIGURA
LORSQU’IL MIT EN FUITE AMALEC,
CE QUE DAVID NOUS DEMANDE D’ADORER,
COMME ESCABEAU DE TES PIEDS,
C’EST TA PRÉCIEUSE CROIX, Ô CHRIST NOTRE DIEU,
ET NOUS NOUS PROSTERNONS DEVANT ELLE.
Ô TOI QUI DAIGNAS ÊTRE CLOUÉ SUR LA CROIX,
NOUS TE CHANTONS ET NOUS TE CRIONS:
RENDS NOUS DIGNE AVEC LE BON LARRON
DE TON ROYAUME, SEIGNEUR
 

1ère Ode

    LORSQUE LA CROIX FUT TRACÉE PAR MOÏSE
LA MER ROUGE SE FENDIT POUR ISRAËL QUI PASSA À PIEDS SEC.
PUIS IL FERMA LES FLOTS DANS LE FRACAS DES
CHARS DE PHARAONS.
CHANTONS LE CHRIST NOTE DIEU CAR IL S’EST COUVERT DE GLOIRE.

Gloire Seigneur à ta Sainte et Vivifiante Croix

    Moïse préfigura autrefois l’image de ta Passion lorsqu’étendant les bras en forme de croix, il vainquit les armées d’Amalec le tyran. Aussi nous chantons le Christ notre Dieu car il s’est couvert de gloire.

Gloire Seigneur à ta Sainte et Vivifiante Croix

    Moïse éleva sur un poteau le remède qui délivrait de la morsure venimeuse des reptiles. Il attacha le serpent qui rampe sur le sol au  bois et triompha par ce moyen de l’anéantissement. Aussi nous chantons le Christ notre Dieu car il s’est couvert de gloire.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit
et maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

    Le ciel montra le trophée de la Croix au chef très pieux. Par elle furent libérés les opprimés et la vérité se répandit jusqu’aux extrémités de la terre. Aussi nous chantons le Christ notre Dieu car il s’est couvert de gloire.
 

Kondakion

PAR TA CROIX, RÉJOUIS TES FIDÈLES,
LEUR DONNANT LA VICTOIRE;
QU’ILS GARDENT TON ALLIANCE,
ARME DE PAIX, TROPHÉE INVINCIBLE.
 

9ème Ode

Magnifie, ô mon âme, la très glorieuse Croix du Seigneur

    TU ES L’IMAGE DU PARADIS, Ô MÈRE DE DIEU,
TOI QUI SANS SEMENCE A FAIT GERMER LE CHRIST
PAR QUI LA SAINTE CROIX
LE NOUVEL ARBRE DE VIE FUT PLANTÉ SUR LA TERRE
ET EN CE JOUR DE SON EXALTATION
NOUS TE MAGNIFIONS DANS TOUS LES SIÈCLES.

Magnifie, ô mon âme, la très glorieuse Croix du Seigneur

    Que se réjouissent tous les arbres de la forêt, dont la nature est sanctifiée par celui qui à l’origine les planta, le Christ étendu sur le bois, et nous prosternant devant la Croix en ce jour de son exaltation, nous la magnifions.

Magnifie, ô mon âme, la très glorieuse Croix du Seigneur

    Pour ne pas nous laisser l’amertume du fruit goûté sous l’arbre défendu, Seigneur, tu l’effaças par ta Croix; ainsi jadis, le bois enleva leur amertume aux eaux de Mara, préfigurant la force de la Croix que les puissances angéliques magnifient dans le ciel.

Magnifie, ô mon âme, la très glorieuse Croix du Seigneur

    Nous qui étions plongés dans les ténèbres, à la suite du premier père, Seigneur, en ce jour tu nous en relève par ta Croix; et puisque notre nature fut précipitée dans l’erreur, la lumière de ta Croix nous en a retiré tous ensemble, Croix que, nous fidèles, nous magnifions.

Gloire au Père et au Fils et au Saint Esprit
et maintenant et toujours et aux siècles des siècles. Amen.

    Afin de révéler au monde, Seigneur, le signe devant lequel il devait se prosterner, tu formas dans le ciel celui de la Croix, entre tous glorieux et brillant d’une immense clarté, arme invincible et trophée royal que les Puissances angéliques magnifient dans le ciel.
 

Laudes

    MERVEILLE INOUIE
LA CROIX AYANT PORTE LE TRÈS HAUT,
EN CE JOUR EST ÉLEVÉE ET EXALTÉE
C’EST ELLE QUI NOUS HISSA JUSQU’À DIEU,
PAR ELLE LA MORT FUT ANÉANTIE
ARBRE PUR, GRÂCE AUQUEL NOUS SAVOURONS,
LA NOURRITURE IMMORTELLE DE L’EDEN,
EN GLORIFIANT LE SAUVEUR.

    EN CE JOUR S’AVANCE LA CROIX DU SEIGNEUR
LES FIDÈLES L’ACCUEILLENT AVEC AMOUR,
POUR LA GUÉRISON DE L’ÂME ET DU CORPS.
EMBRASSONS LA DANS LA CRAINTE ET L’AMOUR
CRAINTE A CAUSE DE NOTRE INDIGNITÉ,
ALLÉGRESSE À CAUSE DU SALUT,
QUE NOUS PROCURE CELUI QUI FUT CLOUÉ SUR ELLE,
LE SEIGNEUR DE MISÉRICORDE,
LE CHRIST NOTRE DIEU.
 
 

Méditation du Père Lev Gillet

    Au seuil de l'année liturgique, nous avons rencontré la bienheureuse Vierge Marie ; nous y rencontrons aussi la croix du Sauveur. Ces deux thèmes ne sauraient être absents de notre prière et de notre méditation sans un appauvrissement de celles-ci. Peu de jours après la nativité de Marie, l'Eglise célèbre la fête de l'Exaltation de la Croix. Au-delà du bois même de la croix, au-delà des circonstances historiques parmi lesquelles le culte de la croix s'est développé, attachons nous à tout ce que l'idée même de la croix de Jésus contient de spirituel et d'éternel.

    L'Eglise nous prépare, une semaine d'avance, à la fête de la Croix. Le dimanche qui précède celle-ci, outre l' épitre et l' évangile propres à ce dimanche, une autre épitre et un autre évangile sont lus, en rapport spécial avec la croix. Dans l'épitre (Galates 6 : 11-18), Saint Paul nous dit qu'un chrétien ne saurait se glorifier « sinon dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ qui a fait du monde un crucifié pour moi, et de moi un crucifié pour le monde». Dans l'évangile (Jean 3: 13-17), nous lisons : « Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que tout homme qui croit ait par lui la vie éternelle. Oui, Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ».

    A l' approche de la fête de la Croix, il n' est pas inutile de nous rappeler que la croix dont il s'agit, c'est la croix sur laquelle Jésus-Christ a été crucifié pour notre salut. La décision de « porter notre croix » - idée si profondément évangélique, et sans laquelle cette fête de la croix demeurerait une abstraction - est un aspect essentiel, mais secondaire, du mystère de la croix. L'aspect principal, c'est que nous sommes sauvés par la Passion de Jésus. L'attention des chrétiens d'Orient, qui se porte si facilement et avec tant d'enthousiasme vers l'incarnation du Christ, ne doit pas délaisser le mystère de l' expiation. Le Christ est Dieu fait homme; il est vainqueur et ressuscité. Mais il est aussi le Rédempteur crucifié. Les fêtes de la Croix sont pour nous une occasion de méditer sur la signification du Sang du Christ dans notre vie spirituelle, sur la mort du Sauveur comme réparation de nos péchés, sur le rapport entre la croix et l'amour. Elles nous sont une occasion précieuse d'approfondir l'article du symbole de Nicée où nous confessons que Jésus est mort «pour nous, hommes, et pour notre salut».

    Au cours des vêpres célébrées le soir du 13 septembre, trois lectures de l'Ancien Testament nous montrent 1'ombre de la croix déjà projetée sur l'histoire d'lsraël. La première de ces lectures est tirée du livre de l'Exode. Quand les Hébreux étaient dans le désert de Shur, ils y trouvèrent des eaux amères qu'ils ne pouvaient pas boire ; ils murmuraient contre Moïse. Celui-ci « cria alors vers le Seigneur et le Seigneur lui indiqua une sorte de bois... L'ayant jeté dans l'eau, celle-ci devint douce». Ainsi l'arbre de la Croix, plongé dans nos amertumes, peut-il les adoucir.  La deuxième lecture est tirée des Proverbes. Elle débute ainsi : « Ne méprise pas, mon fils, la correction de le Seigneur... car le Seigneur reprend celui qu' il chérit, comme un père, son fils bien-aimé». Ces paroles jettent une vive lumière sur Jésus portant le châtiment des péchés du monde, et sur le rapport entre l'amour du Père pour le Fils et la croix du Fils; elles nous indiquent aussi dans quel esprit nous devons accepter - et rechercher - le châtiment de nos propres péchés. Puis, après avoir fait un éloge de la sagesse, l'auteur des Proverbes conclut : « C'est un arbre de vie pour qui la saisit ». La Croix, qui semble au monde une « folie », est la sagesse même. Elle est identifiée avec l'arbre de vie du paradis terrestre. La troisième lecture d'Isaïe annonce à Sion sa gloire future; le passage semble avoir été choisi à cause d'un verset où sont mentionnés divers arbres qui contribueront à la beauté du Temple. « La gloire du Liban viendra chez toi, avec le cyprès, le platane et le buis, pour embellir le lieu de mon sanctuaire, pour glorifier le lieu où je me tiens». Mais c'est l'arbre de la croix qui est le vrai bois invisible du sanctuaire.

    Aux matines du 14 septembre, l'évangile qu'on lit (Jean 12 : 23-36) et qui est le début du discours après la Cène, ne semble pas avoir de rapport direct avec la Croix. Cependant la parole de Jésus : « La voici venue l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié...» a un rapport mystérieux avec la Passion du Seigneur et avec la fête d' aujourd'hui. De même la phrase de Jésus à Pierre :
« Où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; tu me suivras plus tard». Que chacun de nous découvre ce que cette phrase contient pour lui-même.

    Après la grande doxologie des matines s'accomplit aujourd'hui un rite spécial. La croix habituellement posée sur l' autel est mise sur un plateau et entourée de fleurs; le prêtre, tenant ce plateau au-dessus de sa tête, sort du sanctuaire; les ministres inférieurs le précèdent, avec l'encens et les lumières. Mais aujourd'hui c'est par une des portes latérales de l'iconostase, la porte du nord, que la croix quitte le sanctuaire. ce n'est pas, comme d'habitude, par la porte du centre ou «porte royale». Cela signifie que la voie de la croix est une voie d'abaissement et d'humilité. La procession, ayant franchi l'iconostase, s'arrête devant "la  porte royale"  et fait face à l'Orient. Le prêtre proclame (comme on le fait pendant la liturgie lorsque l'évangile est solennellement porté sur l'autel) : "Sagesse tenons-nous debout ! ». Car la croix, cette folie apparente, est le symbole de la sagesse divine. Cependant la procession se tourne vers l'Occident. La croix est déposée sur un pupitre placé au milieu de l'église et orné de fleurs.
Les fidèles s'approchent, se prosternent, puis baisent la croix. Dans les cathédrales et les monastères, un autre rite s' ajoute à celui-ci. Le choeur commence à chanter l'invocation: «Seigneur, aie pitié !». Elle est répétée cent fois. Le prêtre, tenant la croix, bénit les quatre points cardinaux ; puis il s'incline très lentement, et, à mesure qu'il se courbe, le choeur continue les invocations sur un ton descendant. Quand le choeur arrive à la cinquantième invocation, le prêtre est profondément incliné, tout proche du sol et tenant toujours la croix (Oh, que cette croix descende ainsi vers tous ceux qui sont tombés le plus bas, vers toutes les misères extrêmes; et qu'ainsi elle descende vers moi, en moi, et soit peu-à-peu plongée dans mon coeur). Puis le prêtre se redresse avec la même lenteur, et, tandis que le choeur chante les cinquante autres invocations sur un ton qui maintenant monte de plus en plus, il élève la croix, il l' exalte » (" quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi..."). Le prêtre bénit de nouveau le peuple avec la croix, puis remet celle-ci sur le pupitre, où elle demeure jusqu'à la liturgie.

    Nous lisons, dans l'évangile de la liturgie de ce jour (Jean 19. 6-11, 13-20, 25-28, 30-35), le récit un peu abrégé de la Passion. Dans l'épître aux Corinthiens, Paul proclame le grand paradoxe chrétien que nous avons si souvent entendu qu'il a peut-être cessé d'être pour nous le choc renouvelant qu'il devrait être : «...Dieu n'a-t-il pas frappé de folie la sagesse du monde? ... Nous prêchons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les juifs et folie pour les païens... Le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu... Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes».

    Trois des chants de ce jour appellent particulièrement notre attention. Pendant que les fidèles baisent la croix, le choeur chante : « Devant ta croix nous nous prosternons, ô Maître, et nous louons ta sainte résurrection». L'Eglise se préoccupe de ne jamais dissocier la Croix du Sépulcre, la Crucifixion de la Résurrection, la mort de la vie. La douleur du Vendredi-Saint aboutit à la joie de Pâques. Un autre chant rapproche l'élévation du Christ sur la croix et le rayonnement de la lumière divine : « La lumière de ta face, Seigneur, est déployée sur nous». Il y a là, envers la Passion, une attitude profondément grecque et byzantine. Enfin un autre chant associe Marie à la croix. Car Marie est le « paradis mystérieux » dans lequel s'est opérée la croissance du Christ, et le Christ lui-même « a planté sur terre l'arbre vivifiant de la croix».

    Le dimanche qui suit le 14 septembre comporte, comme celui qui le précède, une épître et un évangile se rapportant à la croix. L'épître (Galates 2: 16-20) a été choisie à cause de cette phrase de Paul: « Je suis crucifié avec le Christ et pourtant je vis...». Dans l'évangile (Marc 8. 34 - 9. 1), nous entendons l'avertissement donné par Notre Seigneur : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me suive. Qui veut en effet sauver sa vie la perdra, mais celui qui perd sa vie à cause de moi et de l'Evangile la sauvera». Ici se trouve la conclusion pratique de la fête. Ce n' est pas seulement à quelques disciples choisis que Jésus adresse ces paroles, mais à nous tous : «Appelant la foule, en même temps que ses disciples, il leur dit...».
Notre Seigneur établit une graduation instinctive, si nous savons la méditer, entre ces trois actes : renoncer à soi-même, prendre sa croix, suivre le Christ. Chacun doit prendre "sa croix"; non point une croix qu'il aurait arbitrairement choisie, mais la croix - c'est-à-dire la part de souffrance et d' épreuve - que Dieu lui a assignée d'une manière spéciale et qui est l'un des aspects de la Croix de Jésus lui-même. Dans la fête de l'Exaltation de la Croix, exaltons et intronisons dans notre coeur la croix de Jésus, en appliquant à la Passion de Notre Seigneur et même à nos pauvres efforts (qui sont notre participation à la Passion) cette parole par laquelle le mystère de la Croix reçoit son interprétation la plus haute et la plus complète : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie...»

Texte tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet
("Un moine de l'Eglise d'Orient") aux éditions du Cerf

sommaire


Exode 15, 22 - 16, 1

    Moïse fit partir Israël de la mer Rouge. Ils prirent la direction du désert de Schur; et, après trois journées de marche dans le désert, ils ne trouvèrent point d'eau. Ils arrivèrent à Mara; mais ils ne purent pas boire l'eau de Mara parce qu'elle était amère. C'est pourquoi ce lieu fut appelé Mara. Le peuple murmura contre Moïse, en disant: Que boirons-nous? Moïse cria au Seigneur; et le Seigneur lui indiqua un bois, qu'il jeta dans l'eau. Et l'eau devint douce. Ce fut là que le Seigneur donna au peuple des lois et des ordonnances, et ce fut là qu'il le mit à l'épreuve. Il dit: Si tu écoutes attentivement la voix du Seigneur, ton Dieu, si tu fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l'oreille à ses commandements, et si tu observes toutes ses lois, je ne te frapperai d'aucune des maladies dont j'ai frappé les Egyptiens; car je suis le Seigneur, qui te guérit. Ils arrivèrent à Elim, où il y avait douze sources d'eau et soixante-dix palmiers. Ils campèrent là, près de l'eau. Toute l'assemblée des enfants d'Israël partit d'Elim, et ils arrivèrent au désert de Sin, qui est entre Elim et Sinaï, le quinzième jour du second mois après leur sortie du pays d'Egypte. (retour au texte)
Proverbe 3, 11-18
    Mon fils, ne méprise pas la correction du Seigneur, Et ne t'effraie point de ses châtiments; Car le Seigneur châtie celui qu'il aime, Comme un père l'enfant qu'il chérit. Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse, Et l'homme qui possède l'intelligence! Car le gain qu'elle procure est préférable à celui de l'argent, Et le profit qu'on en tire vaut mieux que l'or; Elle est plus précieuse que les perles, Elle a plus de valeur que tous les objets de prix. Dans sa droite est une longue vie; Dans sa gauche, la richesse et la gloire. Ses voies sont des voies agréables, Et tous ses sentiers sont paisibles. Elle est un arbre de vie pour ceux qui la saisissent, Et ceux qui la possèdent sont heureux. (retour au texte)
Isaïe 60, 11-16
    Tes portes seront toujours ouvertes, Elles ne seront fermées ni jour ni nuit, Afin de laisser entrer chez toi les trésors des nations, Et leurs rois avec leur suite. Car la nation et le royaume qui ne te serviront pas périront, Ces nations-là seront exterminées. La gloire du Liban viendra chez toi, Le cyprès, l'orme et le buis, tous ensemble, Pour orner le lieu de mon sanctuaire, Et je glorifierai la place où reposent mes pieds. Les fils de tes oppresseurs viendront s'humilier devant toi, Et tous ceux qui te méprisaient se prosterneront à tes pieds; Ils t'appelleront ville du Seigneur, Sion du Saint d'Israël. Au lieu que tu étais délaissée et haïe, Et que personne ne te parcourait, Je ferai de toi un ornement pour toujours, Un sujet de joie de génération en génération. Tu suceras le lait des nations, Tu suceras la mamelle des rois ; Et tu sauras que je suis le Seigneur, ton sauveur, Ton rédempteur, le puissant de Jacob. (retour au texte)
1 Corinthiens 1: 18-24