La Veille de Noël
    La journée du 24 décembre présente des caractéristiques liturgiques très intéressantes et, de prime abord, un peu déconcertantes. D'une part, la vigile de la Nativité est le point culminant de l' espérance et de l' attente de l' Avent. D'autre part, les offices de ce jour anticipent sur la fête même de Noël : non seulement nous demandons avec ferveur la venue du Christ, mais déjà l'Eglise nous fait lire les récits évangéliques de la Nativité. Cette fusion de deux éléments (pénitence dans l' attente d'un événement, annonce de cet événement comme déjà réalisé) s'explique par le jeu de divers facteurs liturgico-historiques plutôt que par un dessein doctrinal ou pédagogique déterminé (Le même cas se présente d'ailleurs le samedi Saint). Ce qui importe, c'est que nous sachions utiliser au mieux cette double signification du 24 décembre. Le fait que, dès la veille de Noël, nous entendons lire les textes scripturaîres qui retracent l'histoire de la Nativité et chantons des hymnes d' action de grâces ne rend pas inutile la prière joyeuse du 25 décembre. Au contraire, il prépare et facilite cette prière, Les offices de la veille de Noël sont plus longs que ceux du jour même de la fête; au cours de ces offices, nous écoutons des récits bibliques de la Nativité plus détaillés que ceux que nous entendrons le lendemain. De cette manière, l'Eglise a déjà mis sous nos yeux, le 24 décembre, tout le panorama de la Nativité; chaque point de détail a été mentionné et exploré;
un tableau complet a été fixé dans notre esprit. Le jour même de Noël, l'Eglise ne revient pas sur tout ce qui a déjà été dit; nous sommes supposés le connaître et l' avoir médité. Les offices de la fête sont plus courts que ceux de la vigile. L'Eglise concentre notre attention sur quelques points; elle nous donne l'occasion, non plus d' apprendre et de développer intellectuellement, mais de goûter et de savourer comme des fruits spirituels les paroles de vie que nous connaissons déjà. Le 24 décembre nous parle des même choses que le 25 décembre. Mais le 24 décembre est une préparation, une instruction, une louange qui « accueille » l'événement. Le 25 décembre est une plénitude, une fruition, une louange qui couronne le fait accompli.

    Le matin du 24 décembre, les « heures canoniques » qui, ce jour-là, prennent le nom d'«heures royales», sont célébrées avec une solennité particulière. Chacune de ces heures comprend, outre des psaumes et divers chants, une leçon de l'Ancien Testament, une épître et un évangüe. A Prime, on lit le passage du prophète Michée (5: 2-41) sur Bethléem, petite entre les villes de Judas, mais d'où sortira celui qui régira Israël; l'épître (Hébreux 1: 1-12) dit que Dieu, après nous avoir parlé par les prophètes, nous a finalement parlé par son Fils, lequel est bien au-dessus des anges; l'évangile (Matthieu 1: 18-25), identique à celui du dimanche avant Noël, décrit les perplexités de Joseph et leur apaisement. A Tierce un texte du prophète Baruch (3: 36-4:4) proclame que Dieu «est apparu sur terre et... a conversé avec les hommes»; l'épître (Galates 3:23-29) déclare : « La loi nous servit de pédagogue jusqu'au Christ... Mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue... Vous tous, qui êtes baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ». l'évangile (Luc 2:1-20) raconte la naissance de Jésus à Bethléem et l'adoration des bergers. A Sexte le prophète Isaïe (7:10-16, 8:1-4, 9-10) annonce la Nativité :« Une vierge est enceinte et va enfanter un fils qu'elle appellera Emmanuel. De laitage et de miel il se nourrira jusqu'à ce qu'il sache rejeter le mal et choisir le bien...» ; l'épître (Hébreux 1: 10-23) dit encore une fois la supériorité de Jésus sur les anges et nous donne ce grave avertissement : «Comment nous échapperons-nous, si nous négligeons pareil salut ? » ; l' évangile ( Matthieu 2 : 1-12) raconte le voyage et l' adoration des Mages. A None, nous entendons Isaie (9: 5-7) : «Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné... on lui donne ce nom :
Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, père-éternel, Prince-dela-Paix...»; l'épître (Hébreux 2: 11-18) nous donne la raison de l'Incarnation : « il a dû devenir en tout semblable à ses frères, afin de devenir dans leurs rapports avec Dieu, un grand prêtre miséricordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple. Car du fait qu'il a lui-même souffert par l'épreuve, il est capable de venir en aide à ceux qui sont éprouvés»; l'évangile (Matthieu 2: 13-23) narre le départ des Mages, la fuite en Egypte et le massacre des Innocents.

    Les « heures royales » sont immédiatement suivies par les vêpres. Au cours de celles-ci, nous entendons trois lectures de l' Ancien Testament : le récit de la création du monde (Genèse 1: 1-13), cette création que l'Incarnation de Dieu devait parfaire; puis le message : «Un enfant nous est né, un fils nous a été donné...,(Isaie 9: 6-7) ; et enfin la prophétie : «Une vierge est enceinte et va enfanter un fils...» (Isaïe 7. 10-16, 8: 1-4, 9-10). Nous avions cléjà entendu ces deux dernières leçons au cours des " heures royales ". Après la troisième lecture de l' Ancien Testament, les vêpres se fondent en quelque sorte avec la liturgie : le célébrant prononce une petite ecténie, puis passe immédiatement à la prière qui suit la « petite entrée ». Le Trisagion est chanté; puis l' épître et l' évangile de la liturgie sont lus : l'épître est celle de Prime et l'évangile celui de Tierce; nous les avons déjà mentionnés en parlant des « heures royales ». La liturgie se continue ensuite selon l' ordre accoutumé.

    Les chants qui accompagnent les « heures royales », les vêpres et la liturgie sont déjà des chants de triomphe :
« Venez, réjouissons-nous dans le Seigneur, en proclamant ce mystère... Lumière de lumière, éclat du Père, tu combles de joie et illumines toute créature... Nous glorifions ta Nativité, ô Christ...,".

    Cependant cette vigile de Noël ne perd pas son caractère de pénitence. Le jeûne de ce jour devrait être observé d'une manière particulièrement stricte. En Russie existe la coutume de jeûner, le 24 décembre, jusqu'à l' apparition de la première étoile. Celle-ci rappelle à la fois l'étoile qui conduisit les Mages à Bethléem et le Christ qui est la vraie lumière. Que cette journée soit aussi un jeûne dans notre âme: abstenons-nous de toute pensée et de toute parole mauvaise ou inutile, attendons dans le silence et le recueillement le Sauveur qui vient vers nous. La nuit tombe. Bientôt la première étoile se lèvera, marquant, selon le calendrier de l'Eglise, le commencement de la nouvelle journée et de la grande fête de Noël. Qu' avec cette étoile se lève pour nous la lumière de Notre Seigneur, selon la parole de l'apôtre Pierre : «...Vous faites bien de la regarder comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos coeurs».
 
 

père Lev
 

Textes tirés du livre "L'an de grâce du Seigneur" du Père Lev Gillet
          ("Un moine de l'Eglise d'Orient") aux éditions du Cerf

Cette page a été préparée par la Paroisse
St-Etienne et St-Germain à Vézelay
en 1999.

Saint Etienne

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